La boîte de Pandore
4 ans. Ou presque. C’est le temps qu’il aura fallu attendre pour voir débarquer le nouvel opus de Quentin Tarantino après son « Inglorious bastards » plutôt bien réussi.
Extrait de l’interview d’un spectateur se préparant à entrer dans une des 809 salles où le film est projeté :
Interviewer : « Bonjour, pourquoi allez-vous voir le nouveau film de Quentin Tarantino ? »
Spectateur : « Parce que je suis fan. Depuis ses débuts, il ne m’a jamais déçu. Même mieux que ça, il m’a toujours surpris. »
Interviewer : « Ne craignez-vous pas d’être un jour, si non déçu, pour le moins, moins emballé ? Il pourrait avoir une baisse de régime, non ? »
Spectateur : « Je ne crains jamais rien concernant QT. C’est un génie. Il ne pourra jamais décevoir ses admirateurs »
Interviewer : « Convenez-vous que vos propos ne sont pas très objectifs ? »
Spectateur : « Absolument, je suis objectif quand j’achète un paquet de lessive ou un téléviseur. Pas quand je vais voir un film d’un des plus grands réalisateurs contemporains. Il en serait de même pour Eastwood ou Scorsese. »
Interviewer : « Merci pour ce moment de franchise et de lucidité. Bon film »
Quelques réalisateurs ont ainsi le privilège d’être auréolés d’une réputation telle que les spectateurs se précipitent, emplis d’à priori positif, persuadés d’aller voir un chef d’œuvre, quoiqu’il arrive… Je l’avoue, j’ai également tendance à penser de la sorte. Toutefois, j’ai presque envie que le film soit moins bon qu’attendu. Histoire de me dire que j’ai encore la capacité d’être lucide face à des mouvements de pensées qui semblent impossible à contrer.
2 minutes. C’est le temps qu’il m’aura fallu pour comprendre… le film va être méchamment bon ! La scène d’ouverture est exceptionnelle. Madre de dios, oh, mein got, ce Chritoph Waltz est ébouriffant. Quel acteur, bon sang ! Et Tarantino, quel cinéaste ! Lumière, cadrage, photo tout est… parfait !
Merde alors, il y a bien un ou deux trucs qui vont clocher… Je sais ! La durée ! 2h44 pour un Western, ça va être dur de maintenir l’intérêt. Raté, le film n’a de Western que l’apparence et les 2h44 passent sans même un regard sur la montre. Si rien n’est à jeter, à quoi bon me fatiguer à écrire cet article ?
Tout simplement pour rendre hommage au cinéma et au grand talent de 4 hommes : Waltz, Di Caprio, Foxx et Tarantino. 3 acteurs au diapason sur une partition magistrale ou lorsque l’alchimie entre le chef d’orchestre et les musiciens atteint la perfection. Le plomb transformé en or !
Le tour de force est d’autant plus admirable que l’histoire est simple et classique, une vengeance sur fond d’esclavagisme, 2 ans avant la guerre de sécession. Mais comme souvent chez Tarantino, outre la mécanique impeccable, ce sont les à-côtés qui transforment la vision du film en un objet cinématographique inclassable. Bien que l’on comprenne rapidement les enjeux, on se retrouve souvent à se demander où et vers quelle issue nous emmène le récit.
Et quel talent pour croquer des personnages hors-normes ! Di Caprio est superbe en salopard esclavagiste (excusez la redondance !), Foxx apporte un côté touchant à son personnage d’esclave qui fait rapidement l’apprentissage de la liberté, et Waltz… que dire de Christoph Waltz ? Personnellement, je pense que le film lui doit énormément. Les termes souvent galvaudés pour désigner une grande performance d’acteur retrouvent ici leur sens premier. Sa performance est vraiment extraordinaire.
Django Unchained met en avant plus que n’importe lequel de ses films un immense talent de conteur d’histoire. Car c’est bien cela la force de QT. Etre capable de vous coller au fauteuil grâce à des gunfights façon John Woo dans un Western, certes, mais aussi et surtout pas la qualité des dialogues, par la consistance de toutes les scènes « hors action », par l’intensité de ces affrontements verbaux qui peuplent le film.
A ce titre, les scènes se déroulant dans la résidence de Di Caprio sont magistrales. Toute la première partie du film également. Il est inutile de vous en dévoiler le moindre élément, on ne détaille pas le contenu du cadeau quand il est encore emballé…
Le diptyque « Kill Bill » était une grande leçon de cinéma. Avec Django Unchained, Tarantino poursuit son chemin sur les routes de l’inclassable, affranchi de toutes les contraintes (avec Harvey et Bob WEINSTEIN au chéquier !) libre de réaliser les films qu’il a envie de faire, des films que l’on refuserait à n’importe qui…