Homo homini lupus
Mercredi 1er Janvier 2014. Je me pointe au cinéma le plus proche pensant être un des seuls à mettre le nez dehors un jour férié après une soirée arrosée.
A 17h30, un seul film est programmé : Le loup de Wall Street. On était en réalité une centaine à avoir eu la même envie.
Toujours pas de gangsters à l’horizon dans le nouveau film de Marty (après son « Hugo Cabret ») mais le pouvoir d’attraction du bonhomme est toujours intact ! Pas de gangsters mais toujours Leonardo Di Caprio, son (nouvel) acteur fétiche.
Un aspect rassurant, le film est d’une durée conséquente (presque « standard » chez lui) à savoir 2h59. Côté énervant, le cinéma prévoit un entracte de 10 minutes au milieu du film ! Hallucinant !
Ouverture. L’image se fige après quelques secondes et un voix-off prend la parole. Si je vous dis : « D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé d’être un gangster… » Evidemment, on pense aux « Affranchis » et c’est normal ! Si vous n’avez pas vu « Les Affranchis »… je ne veux même pas le savoir !
Comme le plus souvent chez Scorsese, le film est basé sur une histoire vraie et même précisément sur le bouquin écrit par le personnage principal du film, Jordan Belfort. A priori, je dois bien reconnaître que les bribes de l’histoire que j’ai lues ou entendues ça et là ne me font pas grimper au plafond. L’histoire d’un Golden-boy parti de rien et qui fait fortune à Wall Street dans la période la plus folle qu’ait apparemment connu la finance aux Etats-Unis, ce n’est pas franchement exaltant, si ?
Et pourtant… Le film est un missile qui file tout droit pendant 3 heures, sans une baisse de régime. Di Caprio est excellent comme d’habitude. Je le dis d’autant plus que je ne suis absolument pas fan de cet acteur. Mais il faut savoir reconnaître le talent quand on l’a sous les yeux. Et je défie quiconque de me montrer que Di Caprio n’est pas un immense acteur.
Pour vous livrer mon sentiment, je distinguerais deux aspects :
D’un point de vue cinématographique, on est en terrain connu, fric, drogue, sexe, pouvoir… Tous les thèmes chers à Marty sont là. Quelques scènes sont vraiment incroyables, et j’ai même ri de bon cœur parfois. La photo, les décors, les acteurs, la narration, le montage tout est beau, fluide, crédible, bien interprété.
Du point de vue de l’histoire, c’est dense, on a affaire à des personnages hors-normes dans un milieu hors-norme (et croyez-moi quand je dis ça, ce n’est pas galvaudé !). C’est sûr que le scénario ne tient pas sur un bout de papier Q.
En revanche, comment vous dire… Si l’on considère le tout (et c’est bien comme cela qu’il faut le considérer), le premier mot qui me vient c’est malaise. Un vrai malaise face aux évènements qui défilent sous mes yeux ébahis. Le film est un tel déballage de cynisme, de misanthropie, de cupidité, d’avidité que j’en avais presque la nausée à la fin (Le paquet de Hari-Croco avait également sa part de responsabilité, soyons honnêtes…).
Je n’ai pas réussi à trancher cette interrogation : ce malaise provient-il du fait que cette histoire est filmée avec complaisance, mauvais goût et outrance ou le film est-il justement réussi car j’éprouve ce malaise ?
D’où provient-il?
Est-il porté par le côté artistique du film ? Martin Scorsese n’est pourtant pas John Waters ou Alex de la Iglesia. Ce n’est pas son genre de verser dans l’outrance gratuite, de faire preuve de mauvais goût. Et c’est pourtant ce que j’ai ressenti. Un peu à mon corps défendant car je suis un grand admirateur du sieur Marty.
Ou bien est-il intrinsèquement lié aux us et coutumes de ce milieu dans cette période donnée. On sait tous depuis la crise financière que les traders ne sont pas des saints… Nombreux sont les témoignages ou les œuvres qui dépeignent un univers complètement marteau.
Mais n’est-ce pas respecter un artiste que d’oser critiquer son propos ou de douter de son propos ?
Quoi qu’il en soit, même si le film fait preuve d’un certain classicisme Scorsésien, (durée, narration, découpage, acteurs…), on est évidemment sur du haut de gamme. Bon nombre de jeunes réalisateurs feraient bien de s’inspirer de films comme celui-ci au lieu de nous servir leur soupe fadasse !
En attendant de digérer le film, je le recommande, ne serait-ce que pour partager votre sentiment à l’issue de cette orgie.
Bonne année!