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CINEMANIAQ
5 janvier 2022

Serait-ce la Bonne Année ?

Chers lecteurs, bonsoir. Je vous retrouve avec grand plaisir pour ce qui sera la dixième(!) année d’existence de Cinemaniaq. Ah, oui.  Je sais que cela est passé relativement inaperçu mais nous avons changé d’année. Je vous le dis au cas où, ça peut servir, car 2021 était vraiment merdique. Mais que l’on se rassure, 2022 sera peut-être pire !

Sans vraiment le vouloir, j’ai trouvé une manière originale de vous souhaiter une bonne année, sans passer par les formules éculées que vous avez déjà probablement entendues et répétées jusqu’à l’overdose alors que nous ne sommes que le 5 janvier…

Certains cinéastes ont eu une carrière extraordinaire au sens premier du terme. Mais qu’est-ce qu’une carrière ordinaire pour un metteur en scène après tout ? Alors, disons, une carrière pour le moins singulière. Mais laissez-moi vous parler de l’un d’entre eux et de l’un de ses films. Il est français, certains l’adorent, d’autres pas. Il est connu pour sa manière de filmer et pour les aphorismes sur la vie qui peuplent les dialogues de ses films et quoi qu’il en soit, il ne laisse pas indifférent. Il a fait tourner les plus grand acteurs et les plus grandes actrices françaises tout en donnant leur chance à des inconnus ou presque. Il a lui-même tout connu, le succès, les honneurs, les louanges, les critiques virulentes, les moqueries…mais il a tracé sa route comme il l’entendait. Je n’ai pas aimé toutes ses œuvres et ne les ai d’ailleurs pas toutes vues mais une chose est certaine, c’est un cinéaste de talent.

Ce n’est pas d’ailleurs pas avec le talent que l’on peut espérer plaire à tout le monde. Vous me direz, avec la médiocrité non plus !

Hier, 03 janvier, j’ai revu pour la première fois, avec un immense plaisir, un de mes « Lelouch » préféré : La Bonne Année (1973). Film multi-diffusé mais pourtant pas le plus connu me semble-t-il, je ne l’ai moi-même découvert que récemment si l’on rapporte cela à l’âge du film. Je l’ai aimé instantanément. Et pour cause…

affiche La_Bonne_Annee

La Bonne Année affiche fièrement un casting 3 étoiles, Lino Ventura / Charles Gérard / Françoise Fabian et un scénario très réussi. C’est aussi un film hybride, croisement de 3 genres aujourd’hui tombés en désuétude – voire même totalement disparus, au moins dans ces appellations – que sont la comédie sentimentale, la comédie de mœurs et la comédie policière. Autant dire qu’il y avait la place pour se ramasser…

Mais quand je vous dis que le bonhomme derrière la caméra est talentueux… Alliant donc un casting « first choice », un trio d’acteurs en état de grâce, des dialogues savoureux et brillants ainsi qu’un scénario astucieux et inventif à une mise en scène dynamique, enlevée, pleine de spontanéité et de fraîcheur, Claude Lelouch trouve un improbable équilibre entre humour, suspense, histoire d’amour et d’amitié et ouvre une voie finalement assez inattendue que l’on emprunte avec un plaisir sincère.

Je vous en dis un peu plus ? Une fois n’est pas coutume…

Lorsque deux voyous parisiens décident de « casser » une bijouterie Van Cleef et Arpels sur la croisette en plein hiver, le plus « dur » des deux n’avait certainement pas prévu  que la jolie antiquaire qui tient la boutique jouxtant l’objet de leur convoitise détournerait son attention et perturberait (jusqu’à quel point ?) la réalisation de leur méfait…

Monté en flashback, alternant couleur et N&B, humour et suspense, légèreté et gravité, le film est littéralement porté par le duo Ventura / Fabian d’une part, épatant de spontanéité, de connivence et de crédibilité à l’écran et par le duo Ventura / Gérard d’autre part. Ces deux-là nous offrent quelques scènes dont les situations et les dialogues relèvent de la pure comédie notamment par l’antagonisme de leur caractères respectifs.

Justement, l’ensemble des dialogues et les nombreux aphorismes ou traits d’esprits dont ils sont parsemés me sont apparus encore très modernes et sans trop d’emphase comme on put le reprocher plus tard, parfois à juste titre, à Claude Lelouch. Outre la qualité de l’écriture, le mérite en revient évidemment au jeu de Lino Ventura, voyou incroyablement charmeur et affichant une tendresse jamais revue par la suite (à part dans La Gifle (1974) de Claude Pinoteau peut-être) et à celui de Françoise Fabian, antiquaire libre et indépendante, à l’élégance folle et au charme ravageur. Ce qui aurait tendance à me faire penser que, si tous les acteurs/actrices ne pouvaient pas dire du Michel Audiard, il en va de même pour les dialogues des films de Lelouch.

Je voudrais souligner combien, à travers ce film et d’autres, il fait montre de sa capacité à filmer les sentiments, la séduction et l’amour entre un homme et une femme. La scène du petit-déjeuner au lit est une petite merveille de délicatesse, très dialoguée mais faisant une large place aux expressions des visages et au langage corporel. Quant à la scène finale, Ventura montre une (trop) rare facette de son talent lorsqu’avec une quasi-totale absence de mots, par son attitude et son regard, il exprime magnifiquement la complexité de sentiments contradictoires. [SPOILER] Il aime cette femme, follement, et malgré la souffrance et la douleur due à son infidélité, il nous laisse deviner, subtilement, que ni son orgueil, ni sa fierté ne prendront le dessus. Superbe ![SPOILER]

La bonne Année me semble être avant tout une comédie sentimentale mais cela n’occulte en rien ses autres qualités. Il y a une intrigue dans ce film. Oui ! C’est aussi un film de « casse », à la « Lelouch » certes, mais un film de casse tout de même. Vraiment original qui plus est. La préparation et l’exécution de ce braquage donnent lieu à des scènes très réussies où une fois de plus, dans un registre pas si habituel, Lino Ventura excelle. Sans oublier que Lelouch, par petites touches, ne manque pas d’égratigner les mœurs et les travers d’une époque, ajoutant ainsi une légère touche piquante à sa Bonne Année. La condescendance, les attitudes bourgeoises, la cupidité, la fausse compassion, la servilité y sont illustrées comme pour mieux exalter les valeurs positives « universelles » que sont l’amour et l’amitié rehaussées d’une petite dose d’amoralité qui fait le sel de cette histoire.

A la fois très ancré dans son époque, à savoir fin 60 – début 70, et intemporel par certains aspects, le film possède cette caractéristique peu commune de pouvoir être apprécié pour plusieurs raisons, presqu’à parts égales. Pour sa légèreté, sa fraîcheur, pour cette jolie histoire d’amour, pour la célébration de l’amitié et pour son casse fort réussi et original. Ou plus globalement pour sa sincérité et le regard tendre qu’il porte sur ses personnages.

A ce titre, même les quelques défauts techniques que l’on notera ça ou là, comme des prises de sons à la qualité parfois aléatoire ou des cadrages parfois un peu « tremblants », confèrent au film un délicieux charme suranné.

Claude Lelouch signe avec La Bonne Année une œuvre pétillante et populaire, au ton personnel, qui réunit à mon humble avis l’un des plus jolis couples de cinéma. A (re)découvrir sans modération !

Bonne année à tous.

Cinemaniaq.

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